Malgré la volonté des organisations et des entreprises du BTP, la féminisation du secteur peine à se concrétiser. Sa progression en 10 ans est à peine supérieure à 1%. Un chiffre évocateur, puisque selon la Fédération Française du Bâtiment (FFB), les femmes ne représentent encore que 12,3% des effectifs dans le bâtiment.
Pénibilité, stéréotypes, injonction sociale, méconnaissance des métiers… Les freins sont encore nombreux pour les femmes dans le secteur, et encore un peu plus dans les travaux publics, qui offrent pourtant de nombreuses opportunités professionnelles à des postes très variés. Et pas seulement sur des postes d’ingénieur, d’encadrement ou de gestion et d’administration, même si ces postes restent les plus féminisés.
Parallèlement, la pénurie de main d’œuvre atteint des records et les problématiques de recrutement sont au cœur des préoccupations des entreprises de la branche du BTP. L’élargissement du sourcing des candidats par la féminisation du secteur pourrait être une réponse.
Au niveau national, les femmes représentent 29% des effectifs des Geiq toutes activités confondues, chiffre qui passe à 3% dans le BTP. Pour le Geiq BTP 42, ce taux est de 8% toutes fonctions confondues (Encadrement, administratif et alternants), mais tombe à 1 recrutement/an au maximum depuis plusieurs années en ce qui concerne les métiers de production.
« Au Geiq BTP 42, les femmes représentent 8% des effectifs toutes activités confondues »
Des actions collectives de communication, notamment au travers de partages d’expérience, sont menées pour sensibiliser, démystifier et rendre plus attractifs ces métiers grâce à des parcours inspirants.
Décryptage avec le témoignage de femmes pour lesquelles ce secteur d’activité est une véritable vocation.
Maud BRUNEL FONTAINE est dirigeante de la société BRUNEL SYNERGIE à Savigneux, entreprise familiale de 45 personnes spécialisée dans le génie civil de l’eau et la maçonnerie. 4ème génération de cette entreprise centenaire, Maud BRUNEL FONTAINE en est la première femme dirigeante. Après avoir obtenu un diplôme d’ingénieur à l’ESITC Caen et une première expérience chez Vinci en montage immobilier, Maud BRUNEL FONTAINE rejoint l’entreprise familiale en 2011. Elle prend la direction générale de la filiale immobilière en 2016, puis des 3 sociétés du groupe en 2018. Pour Maud BRUNEL FONTAINE, « être une femme dans ce secteur d’activité est un non sujet. Je suis d’abord une personne qui a choisi un métier, et qui a les compétences pour l’exercer. »
Et dans sa manière de recruter, il n’y a pas de contrainte de mixité, mais bien plutôt une recherche de compétences ; et l’apport mutuel entre deux personnes. Les profils féminins sont très rares en maçonnerie, ce qui pose à nouveau la question de l’attractivité du métier pour ce public. Maud BRUNEL FONTAINE est membre du bureau de la Fédération du Bâtiment et des TP de La Loire. Elle est également présidente du pôle Habitat 42 et membre du CA national du même pôle.
« En tant que femme, je subis les quotas autour de la parité. C’est assez dévalorisant d’être sollicitée pour des sièges de représentation parce qu’on est une femme. »
Maud BRUNEL FONTAINE, dirigeante de BRUNEL SYNERGIE
Le parcours et le témoignage de Marion BROSSE, dirigeante de l’entreprise de gros œuvre BROSSE à Chazelles-sur-Lyon sont assez similaires et tout aussi inspirants. Cette jeune dirigeante de 35 ans représente la 5ème génération à la tête de l’entreprise de 50 salariés, qui réalise chaque année 7,5 millions de CA. Là aussi, la transmission de père en fille s’est faite dans la durée, avec un choix tranché dès le Bac, d’intégrer à terme l’entreprise familiale. C’est ainsi qu’après une formation initiale en école d’ingénieur travaux en alternance, complétée ensuite par une formation dédiée aux jeunes dirigeants du bâtiment, Marion BROSSE a repris officiellement les rênes de l’entreprise début 2020. Pour Marion BROSSE également :
Être une femme dans le secteur du BTP n’est pas un frein. Tout ce qui importe c’est d’être motivée et d’aimer le métier. Une présence féminine sur les chantiers peut d’ailleurs apaiser le climat, estomper les rapports de force qui peuvent parfois exister. »
Marion BROSSE, dirigeante de BROSSE SAS
Bien sûr, les profils féminins ne se cantonnent pas aux postes de direction ou d’administration. De plus en plus de femmes sont attirées par les métiers techniques, en particulier dans le cadre de reconversion professionnelle. C’est notamment le cas de Laetitia RODRIGUEZ, peintre et de Pauline DIAZ, électricienne.
Laetitia RODRIGUEZ était préparatrice en pharmacie. Pauline DIAZ, collaboratrice en cabinet d’architecture et d’urbanisme. En quête de sens dans leur vie professionnelle respective, et avec des projets personnels de rénovation de leur habitat, elles choisissent toutes les deux de s’orienter vers les métiers de la construction.
Laetitia RODRIGUEZ est attirée par la maçonnerie et la peinture. Au gré de ses recherches pour valider sa reconversion, elle entre en contact avec le Geiq BTP 42, grâce auquel elle intègre une formation en alternance de 1 an pour un CAP de peintre et applicateur de revêtement avec le Greta CFA Loire. Parallèlement, elle est mise à disposition de l’entreprise Damet, basée au Coteau.
Depuis l’obtention de son CAP en juillet 2021, elle y est embauchée en CDI. Cette intégration s’est faite naturellement, avec au fur et à mesure, la levée des stéréotypes et des freins logistiques et organisationnels (vestiaires et toilettes séparées, équilibre vie de famille…).
« C’est une reconversion réussie ! Aujourd’hui, j’ai pris confiance, j’ai vraiment trouvé ma voie et je m’éclate au boulot. J’ai été très bien intégrée par mes collègues et être une femme n’est pas du tout un problème. Les mentalités évoluent. D’ailleurs, les retours des clients sont également très positifs. Ils sont agréablement surpris de voir une femme, souvent considérée comme plus minutieuse qu’un homme. Sur le chantier ils ont tendance à me demander des conseils d’ordre esthétique. C’est pourquoi je projette de me former prochainement en décoration d’intérieur. »
Laetitia RODRIGUEZ, peintre en bâtiment
Si la filière peinture séduit de plus en plus de profils féminins, l’électricité reste peu attractive. C’est pourtant la voie qu’a choisie Pauline DIAZ dans le cadre de son parcours de reconversion et son envie d’entreprendre. Elle est d’ailleurs la toute première femme à suivre la formation EEB (électricien équipement du bâtiment) du Greta CFA Loire depuis sa création il y a 15 ans.
La jeune femme explique « Je ne m’étais jamais autorisée à imaginer que cette voie était possible. Aujourd’hui j’ai pris confiance et gagné en assurance, et cela légitime mes compétences pour moi, et vis à vis des autres. » Un témoignage qui illustre bien l’importance de lever les idées reçues. C’est en effet, les femmes elles-mêmes qui s’auto-censurent en n’osant pas s’orienter vers les métiers du BTP.
« Lors de mes stages, je n’ai eu que de bonnes expériences, beaucoup de bienveillance de la part des hommes, sans tomber dans le paternalisme, avec une approche d’égal à égal. Je suis ravie de ce choix de reconversion. Pour moi, la clé est vraiment la confiance, qui vient petit à petit en se professionnalisant, en réussissant à résoudre des problèmes, et cette confiance rend les choses beaucoup plus faciles. »
Pauline DIAZ, électricienne
Toujours en formation, Pauline DIAZ projette de créer son entreprise dans les prochains mois dans le cadre de la SCOP Cabestan qui regroupe 250 professionnels et plus de 60 métiers du bâtiment en Auvergne Rhône-Alpes. En espérant qu’elle ouvrira la voie à d’autres vocations féminines !
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